Radio Métanoïas

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La métanoïa apparaît comme une manière de fédérer les expériences d’individus qui ont eu accès à des moments de transformations psychiques profondes, des épiphanies de la pensée qui ont produit un changement de vie radicale. Ces individus ont été parfois dans une position de soignants et/ou de soignés. Le concept de métanoïa est ici compris comme un processus interne d’auto-guérison, un processus de transformation libérateur et non plus pathologique. Le thérapeute devient ainsi un accompagnateur du voyage. La métanoïa, à la différence de la paranoïa, n’est pas contre l’esprit (« nóos »), contre la pensée, mais une transcendance de son propre être. Processus d’une grande intensité, qui laisse le sujet face à une double situation : le danger d’effondrement psychique et la transformation intérieure pour une mutation de l’esprit. Les métanoïaques ont croisé le parcours de certains thérap(oè)tes qui, au lieu de réprimer ces processus, parviennent à équilibrer le sujet pour l’orienter vers de nouvelles voies d’expressions subjectives et de liens sociaux.

La personne et la communauté doit ainsi comprendre le processus de crise spirituelle au lieu de le réprimer, de le médicaliser ou de le rejeter. Au lieu de renvoyer le sujet vers la pathologie, le changement transmutatif des crises est ici accepté.

En 1999, Avec un enregistreur mini-disc, deux petits haut-parleurs, un micro pour transformer la voix, nous avions démarré cet atelier où la règle fondamentale était d'invoquer les voix, de les mettre dans la machine pour pouvoir ensuite les manipuler et transformer à notre guise. Il y a eu beaucoup de joie depuis le début, le faite de faire sortir les voix de leur seule expérience psychique et de les enregistrer était déjà un but en soi. Les internés pouvaient ainsi faire sortir l'objet sonore dès sa poche et ça les procurait un soulagement intense. Ensuite pouvoir les manipuler et transformer leur tonalité, ajouter des choses, filtrer certaines fréquences... nous offrît la capacité de transformer ces voix persécutrices dans des objets de jeu et développement esthétique. Cette expérience protometanoiaque, appelé "atelier de la voix" est devenu en 2020 "Radio Metanoias", grâce au soutien du Pedro Serra en tant que chef de pôle au G14 de Ville Evrard, et Julien Bancilhon (radio tisto, le papotin) et Nicolas Horber (p-node) comme conseillers pour le démarrage.

Car il s'agit de devenir actif par rapport au phénomène de l'entente des voix. Phénomène peut être hallucinatoire mais qui peut faire partie d'une expérience psychique et esthétique singulière. Des entendeurs des voix ont toujours existé et on ne les appelait pas partout des « schizophrènes » comme aujourd'hui. Il a fallu apprendre à saisir l’opportunité de l'entente des voix comme un don sur lequel on apprend à savoir faire avec et ensuite le communiquer aux autres.

Dans la pensée il existe une casquette auditive, qui se déferlerait dans l'hallucination acoustique. Les voix entendues seraient ainsi provenants de cette casquette auditive qui est tout fait la base des processus de représentation et qui intègre les mandats culturels qui ont pour destin composer le Surmoi. La psychanalyse parlait de la « casquette auditive » qui était à la base du « surmoi » et qu'il nous montre topologiquement dans le dessin du « moi et le ça ».

Le message qui percute à répétition à l’intérieur de la casquette auditive: des résonances de la voix avant toute signification, est pour nous la pierre de touche de cette radio. Toute la révolution de la poésie du XXe siècle, depuis Mallarmé, le futurisme, dada, zaoum, les poètes du non-sens, Joyce et ses continuateurs...

Leur existence et leur création radicale au XX ème siècle nous a libéré de l'esclavage de la poésie du « pur effet de sens »,  la poésie exclusivement sémantique, celle qui “cherche dire quelque chose” pour nous reconduire vers des nouvelles noces entre la poésie et la musique. Le poète Vincent Huidobro disait “Ne chantez pas à la rose, faites la fleurir dans le poème et j'ajouterais: faites fleurir les objets grâce la voix ou plus directement lorsqu'on on dit fleur, pousser le souffle jusqu'à réussir qu'une fleur naisse dans la bouche. Les procédures acousmatiques nous donnent des outils appropriés pour cette démarche.

Les gens qui entendent des voix. Nos avions pu montrer que le travail sur la voix produisait d'abord des sentiments des joie et de subjectivation ainsi qu'une reprise en main de ce phénomène, en prenant une position active et invoquante des voix la place d'une position passive comme dans la maladie. Car schizophrène étymologiquement veut dire raison clivée ou scindé de la raison, le fait d'intégrer les expériences hallucinatoires dans la subjectivité permettait de réintégrer au sujet ces expériences subjectives dans une totalité qui n'a plus droit d'être vu comme provenant d'une perception sans objet (perception sans perceptum).

C'est ainsi que l'inspiration des muses par exemple, s'était un phénomène acousmatique, ainsi que les voix des dieux qui entendaient les personnages d'Homère et tous les héros et les semi-dieux. La voix était l'organe communicateur par excellence entre le monde invisible et le monde des visibles.

Dans toutes les religions, les prophètes entendent des voix, et ses voix leurs indiquent le chemin à suivre. Chez les grecs le phénomène était quelque chose de quotidien Même Socrate le grand philosophe, lui entendait des voix en permanence, le chien il l'appelait, et ce chien là qui lui parlait sans qu'autre personne que lui pourriez le percevoir, nous a dicté des plus belles pages de la pensée occidental.

En psychiatrie on définit l'hallucination comme une perception sans objet. Ainsi le fait d'entendre des voix voudrait dire que nous sommes en présence d'un phénomène de présence acoustique, sans la possibilité de faire l comparaison d'un autre organe de sens pour témoigner de son existence.

Perception sans perceptum. Ainsi la capacité pour percevoir des expériences impossibles pour des autres sujets présents, c'est une des caractéristiques de l'hallucination.

La psychanalyse précise que l'hallucination est le premier mécanisme psychique développé par l'être humain : devant l'absence de la satisfaction normalement apportée par environnement soit-elle la mère ou ce qui se trouve en position, le sujet est amené à halluciner l'objet nécessité. Ainsi nous pouvons apprécier par exemple comme les bébés hallucinent de téter lorsqu'ils dorment par exemple. Une explication de l'hallucination indiquerait que il y a des processus pas symbolisés ou intégrés à la personnalité de l'individu qui ont n'étant pas métaphorisés viendront ensuite comme provenant du réel. Elles seront ensuite perçus comme provenant d'autrui des voix qui auraient du être intégrées comme des voix internes ou des souvenirs. En effet ils seraient un mélange des souvenirs, mandats, désirs et refoulements. Elle serait alors un appel du sujet à réintégrer quelque chose qui est resté à l’extérieur.

Notre travail a consisté à tout d'abord apprendre à jouir des voix. « j'ouie » pour jouer avec l'homophonie. La voix c'est la présence pure du surmoi qui nous disse « j'ouie ». Mais la question s'est comme passer de la position subjective de souffrir des voix à la jouissance consciente d'en profiter de l'expérience. Les symptômes sont là pour nous indiquer la voie. Ensuite notre travail consiste à produire des objets esthétiques qui nous débarrassent de la trop grande présence du phénomène jouissif. Faire des disques ou des spectacles qui sortent de chez nous et nous débarrassent de ce trop et qu'à l place de nous rendre malades par l'excès nous puisons chanter avec. Un oiseau qui ne chante pas devient malade. L idée c'est de communiquer avec les entendeurs de la possibilité de chanter leur voix, de les émettre sous forme vocale. Mettre la voix à sa place, pas seulement dans l’ouïe sinon aussi dans la bouche.

Le nerf auditif se trouve au fond de la cloque, et le nerf auditif ne capte et retiens que c'est qui se répète plusieurs fois. Ainsi pour entendre quelque chose il a fallu que je l’écoute plusieurs fois à l’intérieur du pavillon auditif et encore pour dire un mot il a fallu encore que l'entends d'avantage. Les moyens électroacoustiques nous permettent d'induire des phénomènes qui se approchent aux phénomènes acoustiques à l’intérieur de la coquille acoustique.

Nous avons multiples témoignages de la responsabilité de la communauté par rapport aux voix, en sachant que les sujets qui entendent des voix portent un don et ils sont fournisseurs des messages. Les entendeurs des voix c'est les antennes de l'univers, les radiotélescopes des sons inconnus pour le reste des sujets.
Personne veut dire en grec : par où passe le son. Le son passe à travers nous. Pour les hindous le son était le seul moyen pour communiquer avec les dieux dans l'éther. Les anciens cabalistes lorsqu'ils entendaient des voix disaient que s'était des "daimons" communiquant entre les dieux et les humains et il leurs donner un ouvrage à faire, car sinon ils étaient possédés par les "daimons". Nous avons voulu ouvrir le domaine de l'humain à cette expérience, rendre audible l'inaudible. Faire une pièce sonore avec cette expérience, mais avant tout une aventure et une rencontre humaine. Les gens qui entendent des voix ont été accueillis en tant qu'artistes radio qui sont en train d'apporter leur savoir faire.

Les (exparanoiaques) deviennent des metanoiaques.

Martin Bakero
www.therapoetics.org

RADIO METANOIAQUE 30 juin 2022